La technologie a déjà eu un impact énorme sur l’industrie et le commerce mais ses effets dans le domaine financier en entreprise commencent tout juste à se faire sentir. De quoi le futur de la fonction finance sera-t-il fait, alors que le rythme des changements s’accélère et que de nouvelles technologies émergent ? De la nature du travail des équipes financières à leur rôle et à celui du CFO au sein de l’organisation, la technologie est sur le point de bouleverser tous les repères.
Historiquement, les équipes financières se sont concentrées sur des tâches de traitement des données, de reporting et de compliance. Une grande part de leur travail – dédié à la préparation de ces données, à l’exposition de la performance de l’entreprise à travers le temps ou à la réconciliation des comptes – a toujours engendré un important travail manuel et le recours à de nombreuses ressources.
Peu de temps était laissé à l’analyse et à l’action et l’image des équipes financières en a souffert au sein des entreprises où elles ont pu être perçues de manière réductrice. Sans l’automatisation, les individus passaient un temps considérable sur des opérations à faible valeur ajoutée, comme le transfert de données entre deux systèmes incompatibles. Pour cette raison, les équipes financières n’ont jamais été en mesure d’exprimer tout leur potentiel au sein de l’entreprise.
« Nous devons nous éloigner de la saisie de données et enrichir notre contribution à l’entreprise en devenant de vrais partenaires capables de guider les autres départements. Mais la surcharge de travail manuel ne nous en laisse pas le temps. »
Long Dinh, VP of Finance at Ada
Quand on enlève le poids du travail manuel, il n’est plus nécessaire d’avoir recours à des équipes pléthoriques pour venir à bout des choses les plus simples. Tout peut être fait automatiquement en quelques clics. Les processus gagnent en efficacité et les individus peuvent se concentrer sur les choses utiles comme l’analyse des données et les prévisions.
Les données deviennent elles-mêmes plus fiables et plus précises quand elles ne sont pas entachées d’erreurs dues au travail manuel. De ce fait, les prédictions deviennent plus justes. Et avec des données plus justes et plus riches, l’entreprise peut prendre de meilleures décisions.
Là où les feuilles de calcul rendent la visualisation des données et leur analyse plus difficiles, les systèmes automatisés (lien en anglais) facilitent et accélèrent le reporting – et avec l’automatisation, on peut y avoir recours plus souvent. Plutôt que de le limiter à une fois par mois ou par trimestre par manque de ressources, le reporting peut avoir lieu en temps réel pour donner aux équipes une idée précise de la performance, à tout moment.
Et avec le temps, le terrain de jeu de la technologie ne cesse de s’agrandir. Il est ainsi possible d’utiliser des algorithmes pour générer des prévisions basiques automatiquement.
« Je cherche toujours à automatiser les processus de reporting. Mes équipes doivent consacrer leur temps et leur énergie à analyser ces rapports plutôt qu’à les créer. »
Rahul Goel, VP of Finance at Moglix
Les bénéfices de l’automatisation apparaissent aujourd’hui plus clairs que jamais, mais ce n’est qu’une petite partie de ce que peut apporter la technologie. Par exemple, la technologie DLT pour distributed ledger technologie (registre distribué, en français) qui s’appuie sur la blockchain permet à plusieurs parties de partager et d’enregistrer des données simultanément donc de pouvoir effectuer des transactions en temps réel et des intégrations de données.
À terme, la décentralisation de la finance pourrait signifier la fin du système bancaire tel que nous le connaissons en distribuant le pouvoir vers les utilisateurs. Pour les équipes financières, c’est un immense bouleversement qui s’annonce et la blockhain n’est pas la seule à pousser dans ce sens.
L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique (machine learning) promettent de rendre les prévisions plus simples et plus précises pour offrir une meilleure vision à long terme et une meilleure prévention des risques. Le Cloud, lui, donne accès à des capacités de traitement inégalées et à améliore la cybersécurité pour les entreprises.
La vitesse des réseaux et des ordinateurs augmentant sans cesse, il faut s’attendre à ce que les équipes financières puissent analyser encore plus de données pour gérer des systèmes de plus en plus complexes. Le potentiel des nouvelles technologies – de la robotique au traitement automatique des langues (language processing) – est encore loin d’avoir été épuisé.
Il faut aussi s’attendre à ce que les nouvelles technologies modifient profondément les interactions entre les entreprises et leurs clients. Avec des données toujours plus nombreuses et précises, les entreprises vont être en mesure de mieux analyser les parcours clients et de découvrir plus tôt les prochaines tendances.
Les assistants virtuels n’ont pas fini, eux non plus, de nous impressionner. Les outils conversationnels comme les chatbots se généralisent et permettent aux centres d’aide de consacrer leurs ressources humaines aux tâches les plus complexes qui ne peuvent pas (encore) être confiées à des robots.
La technologie est souvent perçue comme une menace pour l’emploi. Mais la vision caricaturale qui voudrait que les robots finissent par prendre la place des humains est un peu trop simple à notre goût. D’après nous, certains rôles vont être boostés par la technologie tandis que d’autres seront amenés à disparaître.
Le traitement des données va se voir confié aux machines qui peuvent le réaliser plus vite et mieux que les humains. En retour, ces données et ce reporting améliorés, fruit de l’automatisation, va engendrer des besoins accrus en analystes et spécialistes de la data. Pour ces experts, la technologie n’est pas une menace, bien au contraire.
Ces bouleversements vont aussi modifier la forme des équipes financières. Les effectifs vont être réduits dans le traitement des données – puisque quelques personnes suffiront à produire un ensemble de données automatisées de qualité –, mais augmenter du côté des analystes qui devront donner du sens à cette masse d’informations.
Les analystes vont devoir apprendre à travailler de façon agile avec des interlocuteurs et des tâches qui pourront évoluer de projet en projet ou de sprint en sprint, selon les besoins de l’entreprise. Les individus devront être à l’aise et capables de s’adapter à des changements fréquents.
Avec des informations de meilleure qualité à disposition, les équipes comptables et les contrôleurs financiers vont voir leurs rôles évoluer. Il y aura pour eux plus de reporting, de forecasting et de planning, et moins de tâches répétitives et ennuyeuses.
Libérés de la paperasse, les employés vont pouvoir se former et acquérir de nouvelles compétences au sein de l’entreprise ou en dehors. La qualité de vie au travail dans son ensemble va s’améliorer avec des équipes qui restent en place plus longtemps et des candidats de meilleure qualité pour le recrutement. Toutes choses d’une importance capitale pour les leaders financiers à l’aune de la crise du Covid qui a vu le nombre de postes à pourvoir exploser.
Ces changements vont attirer les foules et les meilleurs talents vont avoir des opportunités à saisir. Les employés performants voudront mettre à jour leurs compétences pour rester à la page, la maîtrise des bases de la comptabilité ne sera plus suffisante. Il leur faudra aussi apprendre à se servir des nouvelles technologies et délaisser les anciennes méthodes, développer leurs connaissances, leur capacité à résoudre des problèmes et à travailler de manière transversale. Tout le monde ne passera pas le cap facilement et les leaders financiers devront veiller à ce que chacun reçoive le soutien dont il a besoin dans cette période de transition.
« L’état d’esprit que j’appelle de mes vœux dans la fonction finance serait de se dire ‘’aujourd’hui, je vais au bureau pour créer de la valeur, pour faire émerger de nouvelles connaissances qui permettront à quelqu’un de prendre de meilleures décisions’’. »
Anders Liu-Lindberg, Co-fondateur, CMO et COO, Business Partnering Institute
Loin de son historique isolation et de ses préoccupations purement comptables, cette équipe financière nouvelle génération va pouvoir s’affirmer comme partenaire stratégique de l’entreprise porté sur l’innovation.
Les grandes orientations de l’entreprise seront fonction de ses prévisions et de sa gouvernance des données. Elle deviendra le catalyseur des idées nouvelles et de la croissance. Sa position unique avec vue à 360° au cœur de l’entreprise lui permettra d’identifier les risques et les opportunités, et de faire réellement advenir le changement.
« Le fonction finance ne doit plus se contenter de faire du reporting sur les résultats de l’entreprise mais doit pouvoir activement favoriser de meilleurs résultats. Il faut sortir du cliché du comptable qui compte ses sous – ou du pourvoyeur de chiffres et de règles rigides qui ne font pas avancer l’entreprise –, pour devenir de véritables partenaires stratégiques capables de fournir des informations et des analyses en temps réel et d’injecter de la souplesse dans les processus. » Kelly Battles, CFO, Alpha Medical
Le rythme du changement s’accélère, un paramètre que les directions financières vont devoir intégrer rapidement. Si elles réussissent à maîtriser les nouvelles technologies, leur rôle au sein des conseils d’administration va changer.
Leurs insights, la qualité de leurs données et leurs prévisions bien fondées – toutes choses permises par la technologie – vont les placer aux avant-postes des idées et de la réflexion stratégique. Le CFO va, selon nous, perdre son image de comptable aux bilans simplement rétrospectifs pour prendre un rôle plus large et plus influent. Son champ d’action élargi, ses capacités multiples et sa vision d’ensemble vont lui permettre de devenir un véritable agent du changement tourné vers le futur.
« Il y a chez nous ce que nous appelons les quatre faces du CFO : le stratégiste, l’instigateur, le gestionnaire et le visionnaire. » Steve Gallucci, Global & US CFO Program Leader, Deloitte
Les transformations apportées par l’automatisation signifient que les leaders financiers vont devoir rechercher des profils adaptés à une équipe aux contours, au rôle et au statut inédits pour gérer cette transition. Il ne suffira plus de remplir des feuilles de calcul. Les leaders financiers devront trouver des candidats aux compétences orientées vers l’avenir, agiles, créatifs et capables de travailler de manière transversale.
Attirer, conserver et développer les meilleurs talents va devenir l’une des priorités des CFOs. Ils devront veiller à l’acquisition de nouvelles compétences pour préparer leurs équipes aux challenges de demain. Il leur faudra notamment encourager la prise d’initiative, la recherche de solutions et la collaboration, ils devront inculquer un esprit d’entrepreneur à l’ensemble des troupes et assurer la relève en préparant les meilleurs éléments à prendre le relais en cas de départ à des postes clés.
« L’état d’esprit que j’appelle de mes vœux dans la fonction finance serait de se dire ‘’aujourd’hui, je vais au bureau pour créer de la valeur, pour faire émerger de nouvelles connaissances qui permettront à quelqu’un de prendre de meilleures décisions’’. » Anders Liu-Lindberg, Co-fondateur, CMO et COO, Business Partnering Institute
Pour les CFOs, se relâcher maintenant – alors que la technologie est sur le point de révolutionner les objectifs et les méthodes du travail financier – serait mal choisir son moment. L’heure est plutôt à prendre le train de la refondation qui est en marche. Concrètement, cela veut dire se familiariser avec les technologies émergentes comme l’automatisation, mettre à jour les compétences de ses équipes pour se préparer au changement et poser les bases d’une fonction finance new look au sein des organisations.
« Pour nous financiers, il est essentiel d’être à notre place autour de la table et pas simplement là pour fournir des chiffres. Nous avons des analyses et des recommandations à proposer – stratégiques, tactiques ou autres – qui peuvent aider l’entreprise à avancer, à atteindre ses objectifs, à créer de la valeur. C’est le futur de notre fonction. » Anders Liu-Lindberg, Co-fondateur, CMO et COO, Business Partnering Institute